Création d’un nouveau ministère chargé de la réforme du service public et Problématique de la gouvernance
Autrement dit, et fondamentalement, c’est le mode de fonctionnement, le mode de gouvernance du pouvoir politique ou du pouvoir étatique qui pose problème et qui devrait être inscrit au cœur de la réforme du service public en Algérie. En ce sens, la création récente d’un ministère chargé de la réforme du service public qui vient succéder à plusieurs commissions de la réforme de l’État, de la réforme de la justice etc. est un énième aveu d’échec pour les pouvoirs publics qui ne disposent pas suffisamment de crédibilité aux yeux des citoyens pour mener à bien leurs missions.
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Création d’un nouveau ministère chargé de la réforme du service public et Problématique de la gouvernance
Par Professeur Hamid HAMIDI
Faculté de droit et de sciences politiques Annaba (Algérie)
1. La réflexion formulée par notre Collègue Ahmed Mahidjiba à l’occasion de la célébration du 1er Novembre sous le titre « Le 1er Novembre, un catalyseur ? » mérite une attention particulière pour nous avoir rappelé qu’ « aimer son pays » est une valeur universelle qui reste d’actualité et mérite d’être reconnue comme telle en Algérie, et à ce titre, je tiens à lui exprimer mes sincères remerciements pour le lien qu’il a tenu à établir entre nos ainés, ceux qui ont déclenché la Guerre de libération nationale et les citoyens de l’Etat algérien que nous sommes. En établissant ce lien que nous avons le devoir d’entretenir, il semble nous suggérer l’idée que l’Etat algérien, dont la principale source d’inspiration est la mémoire de la guerre de libération nationale, ne grandit pas, ne peut pas grandir, et ne peut pas réussir sans l’implication (l’action) de son peuple entendu au sens politique et constitutionnel du terme. Il faut donc croire au changement et militer vaillamment pour.
2. Pour donner suite à la réflexion de notre Collègue, j’ai tenu ici à saisir cette heureuse opportunité -la célébration du 1er Novembre 1954- pour espérer trouver un quelconque lien entre le défi de libération de l’Algérie qui avait été relevé avec succès et détermination par nos ainés il y a de cela 59 ans, et le défi de la bonne gouvernance de l’État algérien qui est rendu d’actualité, nous semble t-il aujourd’hui, notamment avec la création d’un nouveau ministère chargé de la réforme du service public tel qu’il apparait dans le récent remaniement ministériel du Gouvernement SELLAL II du 11 Septembre 2013. Mais après réflexion, et au risque de décevoir, il nous semble que le lien avec la mémoire de la guerre de libération nationale déclenchée le 1er novembre 1954 n’est pas évident à trouver pour la raison simple que la Réforme du service public dont il s’agit aujourd’hui ne s’inscrit pas dans la continuité et a lieu dans le contexte (politique) de non-gouvernance de l’Etat.
3. Sans préjuger de la feuille de route de ce nouveau poste ministériel auprès du Premier ministre chargé de la réforme du service public, confié à l’ex-Wali de Annaba, c’est-à-dire à quelqu’un qui connait bien l’État territorial, lequel a annoncé dès sa prise de fonction au Forum d’El Moudjahid, la création pour le moins inattendue d’un « Observatoire du service public » ainsi que l’élaboration d’une « Charte du service public » ( !!?), il nous semble que l’ambition politique affichée par les initiateurs d’un tel projet institutionnel en imposant ce nouveau poste ministériel qui apparait plutôt comme une excroissance de l’équipe gouvernementale, est de nous faire prendre conscience de l’importance de rétablir la confiance des citoyens en les institutions de leur État via la promotion de la transparence et la bonne gouvernance de l’organisation et de l’activité de l’administration publique. Ce qui semble constituer l’objet d’analyse et de débat du point de vue des Gouvernants, c’est donc bien le mode de fonctionnement et de gouvernance de l’administration pour rétablir la confiance des citoyens en luttant particulièrement contre la bureaucratie qui cultive et génère la corruption administrative qui empêche l’État démocratique et constitutionnel de voir le jour en Algérie. Sous d’autres cieux, et pour mieux servir encore la démocratie et la gouvernance politique, la réforme du service public en France par exemple est engagée avec le « choc de simplification » qu’a voulu réaliser le Gouvernement français actuel en décidant de simplifier les relations entre l’administration et les citoyens par une meilleure qualité des prestations des services publics composant l’État. En Algérie, par la réforme du service public, l’objectif serait plutôt de rétablir la confiance des citoyens en l’État, ce qui est de nature à reconnaitre le fossé croissant qui se creuse entre les Gouvernants et les citoyens, les Gouvernés. Les principes de démocratie et de gouvernance politique sont simplement inscrits en projet (la fameuse transition démocratique qui n’arrive pas à échéance !!).
4. Autrement dit, et fondamentalement, c’est le mode de fonctionnement, le mode de gouvernance du pouvoir politique ou du pouvoir étatique qui pose problème et qui devrait être inscrit au cœur de la réforme du service public en Algérie. En ce sens, la création récente d’un ministère chargé de la réforme du service public qui vient succéder à plusieurs commissions de la réforme de l’État, de la réforme de la justice etc. est un énième aveu d’échec pour les pouvoirs publics qui ne disposent pas suffisamment de crédibilité aux yeux des citoyens pour mener à bien leurs missions.
Plus grave encore, les institutions de l’Etat sont tellement défaillantes dans l’accomplissement de leurs missions au point où le citoyen et la société civile en général ne semblent pas avoir de droits sur le pouvoir étatique. Le problème est donc éminemment un problème de gouvernance politique, lequel -s’il n’est pas résolu- pourrait aggraver dangereusement le risque de dépérissement de l’Etat.
5. Au lieu de cela, la réforme du service public est présentée comme relevant de l’ordre administratif et donc du simple technique, puisqu’il s’agira pour le nouveau ministre -placé sous l’autorité du 1er ministre qui a lui-même la charge de « veiller au bon fonctionnement de l’administration publique » (article 85 de la Constitution, nouveau texte)-, de réorganiser les services publics administratifs et d’opérer des changements dans leur fonctionnement en intégrant de nouvelles normes juridiques par instrumentalisation du droit comparé, ce qui existe déjà par ailleurs dans le cadre de ce qui est convenu d’appeler le processus de privatisation de l’Etat.
C’est dire par conséquent que le volontarisme politique de création d’un ministère chargé de la réforme du service public dans le gouvernement SELLAL II n’est pas sincère et ne peut se hisser en aucune manière à la hauteur de la volonté politique des héros qui ont conduit la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954. Il nous restera à tester l’action citoyenne au service de la démocratie et la gouvernance politique.
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